Mais le poème en prose se démarque de la poésie traditionnelle. Ainsi défini par Baudelaire, le poème en prose apparaît comme un mode d’expression privilégié capable de traduire ce qui relève du rêve et de l’inconscient. N’est-ce pas, madame, que voici un madrigal vraiment méritoire, et aussi emphatique que vous-même ? Une histoire du poème en prose, par Michel Murat, Cet article a paru dans Le Savoir des genres, sous la direction de Marielle Macé et Raphaël Baroni, Presses Universitaires de Rennes, « La Licorne », 2007. Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. cit, p. 690). Jusqu’au XIXe siècle, la poésie classique se différencie nettement de la prose : tout texte poétique est versifié et comporte des rimes. Elle avance deux critères: le style, qui «donne la sensation du fermé», et la «situation», reconnaissable «au petit choc qu'on en reçoit, à la marge qui l'entoure, à l'atmosphère spéciale où [l'uvre] se meut». Pas plus que la poésie, le poème en prose n’a de thème réservé. Ce ne sont en effet ni les rimes ni la longueur des vers qui créent l’impression de dépouillement , de fluidité , mais le rythme intérieur de chaque phrase : Baudelaire mêle de fréquentes répétitions, des énumérations, des parallélismes, des oppositions qui scandent le poème. Je reprendrai donc le point de vue de la théorie, en affirmant que le poème en prose est bien un «osmazôme de la littérature», mais non sur le plan des essences qu'évoque Huysmans (le «suc cohobé»). Sa vie amou… L'histoire du poème en prose nous offre donc des répétitions statistiquement probantes sur une échelle de temps réduite. On lit par exemple dans La Revue blanche au moment où paraît Divagations que «le poème en prose présente ce caractère général que la prose, matière première, y est soumise à des exigences analogues aux poétiques[xvii]»: la formule convient assez bien à la production courante des revues littéraires, du Mercure de France à Vers et prose, et jusqu'aux débuts de la N.R.F.[xviii]. On la trouve essentiellement dans la structure et dans le rythme. C'est, si on me permet ce bizarre couplage, un osmazôme pragmatique: un concentré en même temps qu'une «devanture» de ce que la littérature fait, des compétences qu'elle met en uvre, des opérations de reconnaissance et de méconnaissance auxquelles elle soumet la singularité des uvres. La prose en poésie apparaît durant le mouvement littéraire romantique à la fin du 18e siècle. On suppose que la poésie n'est plus dépendante de la versification. D'autre part le principe de poéticité est lui aussi exhibé dans une perspective que l'on pourrait dire jakobsonienne avant la lettre, en tant que retour du langage sur lui-même, par un usage acrobatique et parfois génératif du signifiant qu'il faudrait comparer à l'usage de ses contemporains: Apollinaire, Roussel, Duchamp. Blanchir comme si le texte était de la poésie[x]». Cette histoire n'a rien de linéaire; elle est faite d'écarts et de recommencements, et à chaque étape décisive un scénario du même type … La formule est exactement symétrique du titre de Baudelaire, Petits poëmes en prose. Autour de 1800, pendant que se constitue le romantisme, les aspirations des écrivains tendent de plus en plus vers l'absolu. Comme une sorte de Janus, le poème en prose s'inscrit dans deux perspectives génériques distinctes, contemporaines mais non synchrones, compatibles entre elles mais nettement divergentes. [xi] Charles Baudelaire, uvres complètes, Gallimard, Bibl. Ce n'est donc pas son inspiration qui le caractérise, mais sa souplesse d’utilisation et d’adaptation aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience. Y vois-tu l’heure, mortel prodigue et fainéant ? Le poème en vers ne connaît pas chez Baudelaire une mutation comparable; son lieu de prépublication est d'ailleurs la revue, Revue de Paris ou Revue des Deux-Mondes, non le journal; on en dirait autant des poèmes en prose de Mallarmé ou même de Charles Cros. Mais au même moment l'histoire recommence. La première est traditionnelle et constitue une sorte de discours d'accompagnement et de légitimation; elle est tautologique, présupposant la définition du poème par l'unité d'effet (le plus souvent sans référence à Poe) et conférant aux procédés de poétisation de la prose une valeur de compensation ou de substitution; on en trouve une formulation détaillée dans la thèse de Suzanne Bernard. Et il ressort d'un rapide survol historique une certitude : le poème en prose est issu de ce pan de la prose romantique qui prolonge sans solution de continuité le XVIIIe siècle. La parenté des Poèmes avec les chroniques (reprises dans plusieurs recueils, dont Le Piéton de Paris) atteste de l'ancrage du genre dans les supports périodiques ; poèmes et chroniques entretiennent aussi un rapport obscur mais essentiel avec la parole vivante, cette conversation pour laquelle Fargue disposait de dons exceptionnels. Ils ne font nullement saillie: aucune semiosis particulière, aucune hétérogénéité ne les signalent. Le propos fournit un jalon dans l'histoire de la poésiemoderne : un point de passage de l'illumination rimbaldienne à l'automatisme bretonien via la conception symboliste de l'inconscient (issue de Hartmann). Dans le poème de Ponge, la mie du pain est métaphorisée en un "lâche et froid sous-sol". [xviii] Même si Gide s'en défend, comme le montre un propos de 1910: «ce n'est plus le moment d'écrire des poèmes en prose» (rapporté par Jacques Rivière dans son compte rendu de Miracles d'Alain-Fournier pour la N.R.F., 1924). Ce qui doit nous étonner, c'est plutôt que de telles fondations aient été oubliées au point qu'après 1945 Aragon, parlant de Reverdy dans les Chroniques du bel canto, ou Georges Blin à propos de Baudelaire[v], aient eu le sentiment d'un commencement absolu: comme si la mémoire du genre ne parvenait pas à se fixer, ou qu'on lui en contestât le droit. Le poème en prose moderne n’a aucun rapport avec les proses poétiques du XVIIIe siècle. Dans un poème en prose, la musicalité repose non sur la métrique, sur la rime ou le découpage en vers, mais sur l'organisation syntaxique et les effets de rythme qui en découlent. Bertrand, la présentation insolite d’un coquillage recelant peut-être un trésor : « L’huître » de Ponge, l’évocation d’un pays : R. Char (« Qu’il vive »), un moment privilégié de la journée : « Aube » de Rimbaud. Max Jacob poursuit par une critique de Rimbaud, dont le «désordre» (antinomique à l'exigence de «style») ne peut être un modèle, et propose une série de distinctions génériques: La difficulté du texte vient, me semble-t-il, de ce qu'il ne parvient pas à choisir entre deux conceptions. Le poème en prose, depuis le romantisme, est un des lieux privilégiés de cette contestation. Les «Instructions à M. le Metteur en pages», destinées par Bertrand à son éditeur, ont été publiées en 1925 dans l'édition de Bernard Guégan (Payot). de la Pléiade, 1961, p. 230. [xvi] A une exception près, celle d'Alphabet. C'est aussi un Laboratoire central (encore Max Jacob) de manipulations génériques; mais nous ne devons accorder aucun privilège «créateur» à cet aspect particulier. Le tout vit avec intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le ressort est la pesanteur d'une masse donnée de vapeur en précipitation. « L’huître » ou « Le mimosa » de Ponge sont des textes brefs. Dans le partage que j'ai évoqué, Fargue incline ainsi du côté de Baudelaire. Autant que d'une approche théorique, il s'agit pour moi d'une interrogation sur ce que Certeau appelle «l'écriture de l'histoire». [iv] Suzanne Bernard, Le Poème en prose de Baudelaire jusqu'à nos jours, Nizet, 1959 (rééd. C'est bien une refondation du poème en prose comme genre qui est ainsi revendiquée; la comparaison avec Fargue est éclairante. La Vie de prison in Angleterre. Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était. Multitude de figures de style (comparaison, métaphore, etc.) [xxiii] Etienne-Alain Hubert, «Reverdy et Max Jacob devant Rimbaud: la querelle du poème en prose», Circonstances de la poésie, Klincksieck, 2000, p. 255-276. Le poème en prose s'origine dans la prose poétique. La disparition du tiret, en mettant à distance l'expression toute faite (et son usage journalistique), invite à une ressaisie conceptuelle plus abstraite. La résonance profonde qui en émane est plutôt poétique que littéraire; je veux dire qu'elle ne met en uvre ni l'histoire du genre comme tel, ni les options esthétiques et les stratégies qui lui sont associées, mais qu'elle parle de notre séjour: «Dans l'ombre un homme informe ou une femme sans âge cherche, et, sans qu'on puisse savoir de quoi, emplit sa hotte[xxv].» Cet homme informe n'est pas le poète. Mais il reprend sur de tout autres bases le partage entre prose et poésie. [xiv] Voir la liste des «Poëmes à faire», op. 3 Si l’évolution des rapports entre prose et poésie remonte donc loin dans l’histoire littéraire, pour saisir les relations actuelles entre les deux termes, ou mieux les relations qui ont laissé une trace dans la conception moderne des deux formes, il suffira de nous tourner vers Charles Baudelaire et … 14 Juillet est un poème de l'auteur PM. Baudelaire veut d'ailleurs créer « une prose poétique assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements [...], aux ondulations [...], aux soubresauts [...] — Et pendant trois autres jours et trois autres nuits je feuilletterai, aux blafardes lueurs de la lampe, les livres hermétiques de Raymond Lulle! Certains poètes du XXe siècle, Claudel, Char, Ponge, Michaux, adoptent ce genre. Les vers sont ensuite agencés en strophes (ou paragraphes) qui ajoutent encore à la structure de l'œuvre. Toutefois, la prose poétique restait de la prose, un moyen supplémentaire pour le romancier, une marque de son style, sans constituer une véritable forme de poème. Cette décision peut-être contingente, en tout cas non assumée par l'auteur, a fondé toute la tradition éditoriale jusqu'à Bouillane de Lacoste, et en particulier l'édition du Mercure de France qui fut le livre de chevet de nombre d'écrivains du xxe siècle. Rejoignez le site littéraire « De plume en plume » pour lire et commenter ses écrits. [xiii] Mallarmé, op. Il oscille entre 2 styles : la poésie engagée au cours des guerres de religions avec ses œuvres Les Hymnes etLes Discours et la poésie lyrique, avec les recueils Les Odes etDes Amours. Il sera le poète officiel du roi sous le règne de Charles IX. » je répondrais sans hésiter : « Oui, je vois l’heure ; il est l’Éternité ! Je me bornerai à souligner quelques points relatifs à leur stratégie générique. Les « Petits poèmes en prose » de Baudelaire. En effet, pour s’en tenir à la tradition écrite et sans tenir compte des formes mixtes relevant du poème en prose, ... Une autre façon de s’orienter dans le massif des formes mixtes mêlant prose et vers est de prendre en compte l’histoire littéraire. Lorsqu’elles sont brèves, elles sont parfois martelées comme des vers : Pourtant on peut l’ouvrir, c’est un travail grossier constituent des vers de 6 pieds (« L’huître »). Selon la surface entière d'un petit toit de zinc que le regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la couverture.
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