Elle n'est pas à boire, cette eau. La fontaine ruisselle, les gouttes délicates sont autant de diamants sous le soleil, un beau jeu de lumière fait danser le turquoise liquide, nous chatouille la gorge. Mais elle n'est pas à boire, la grille (ouvragée, beau travail) et surtout le cadenas, sont là pour nous l'indiquer.
L'heure où le soleil pardonne, où la brise vient prêcher la bienveillance. On aimerait y rester, pas plus que cet instant d'éternité soyeuse -mais rester : sur la peau du sable, entre la Mer Morte et la promesse d'Eau Vive. Dans le désert de Judée.
A quelques mètres Jean le Baptiste offrait la purification, indiquait la voie du salut. A quelques mètres les pèlerins se tassent, s'immergent dans les eaux boueuses (et miraculeuses), sortent transfigurés. A quelques mètres il y a le Jourdain, la Jordanie. Zone sensible. Étroites sont les voies menant au paradis - et il ne faut pas (surtout pas de faux pas) dévier de la route.
C'est une fin d'après-midi. Le soleil caresse avant de se coucher. Le petit berger rentre son troupeau. Une petite famille se promène, rentre aussi, profite de la douceur du jour qui s'amenuise. C'est aux alentours de Bethléem, l'herbe est dorée, un check-point n'est pas loin.
Dans dix ans, où seront-elles? Et leur pays? La moue espiègle et légèrement effrontée, le doudou sur le dos, le signe de la victoire? Dans six mois, quand, déjà formées, elles devront aller dans les territoires, tenir une mitrailleuse, prendre des décisions où des vies se jouent en une seconde?
Là dans la paix du vent : sans prophètes ni sages, sans attentes ni enjeux. Là où l'on marche sur l'eau si l'esprit se libère. Là où la résurrection est renaissance de l'instant, tourbillon tendre, volonté faisant une avec le hasard
