poème en prose histoire

Alors si le soleil reparaît tout s'efface bientôt, le brillant appareil s'évapore : il a plu. Il s'agit certainement de la forme la plus difficile de la poésie, mais aussi la plus reconnue. Chez Max Jacob au contraire c'est la bibliothèque qui entre dans l'esprit. Jusqu’au XIX e siècle, la poésie classique se diffé­rencie nettement de la prose : tout texte poétique est versifié et comporte des rimes. La structure, rendue visible par des paragraphes, est également soulignée par des reprises de termes (répétitions, anaphores) ou par des articulations logiques ou chronologiques. © Tous les textes et documents disponibles sur ce site, sont, sauf mention contraire, protégés par une licence Creative Common. Comme les histoires, les poèmes narratifs présentent un conflit, s'entendent jusqu'au point culminant et finissent par une résolution. Il aborde tous les domaines : le spectacle réaliste de la rue, la rencontre magique avec une nymphe des eaux : « Ondine » d’A. Comme chez Fargue mais de manière différente, chez Reverdy chacun des termes est envisagé pour lui-même et pleinement assumé. Precédés de l'histoire de la Ballade de la geole de Reading par le traducteur. Pour le dire en un mot, elle convertit une forme marginale en lui donnant une position centrale. Le laboratoire générique du poème en prose est lui-même soumis aux processus d'autonomisation du champ. Avant les Petits Poèmes en prose de Baudelaire, elle aura même donné lieu à de multiples pratiques lyriques originales et plus intimistes (songes, méditations, … «Prose» comme chez Fargue, c'est-à-dire «nette et solide et sage»: pas de procédés rythmiques de poétisation, ni de disposition signifiante des unités, car ce sont des données propres à la poésie versifiée; pas d'images autonomes, détachables du texte, puisque les images font corps avec le récit. Cette adorable bague jetée, comme celle des doges, à la mer, pendant la furie des vagues romantiques, et engouffrée, apparaît maintenant, rapportée par les lames limpides de la marée» (lettre de février 1866 à Victor Pavie, op. Le poème en prose est construit de manière aussi rigoureuse que le serait un poème rimé et versifié.. Ils sont indissociables des effets de structure puisqu’ils sont liés à la construction des phrases. Baudelaire veut d'ailleurs créer « une prose poétique assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements [...], aux ondulations [...], aux soubresauts [...] 2. Les deux, pourtant, se combinent en un genre créé dans la première moitié du XIXe siècle. La dernière section du volume s'intitule Grands faits divers. Le poème en prose est parfois divisé en para­graphes. Le compte rendu d'Henri Ghéon dans la N.R.F. Le romantisme nourrit toute la première moitié du XIX siècle et pour la poésie plus précisément les années 1820-1850 : par convention, des Méditations poétiques de Lamartine, en 1820, aux Contemplations de Victor Hugo en 1856. Le gamin du céleste Empire hésita d’abord ; puis, se ravisant, il répondit : « Je vais vous le dire ». 3 Si l’évolution des rapports entre prose et poésie remonte donc loin dans l’histoire littéraire, pour saisir les relations actuelles entre les deux termes, ou mieux les relations qui ont laissé une trace dans la conception moderne des deux formes, il suffira de nous tourner vers Charles Baudelaire et … Mallarmé, dont les textes s'inscrivent clairement dans un canon du genre (Huysmans les intégrera tous dans son anthologie virtuelle), s'abstient de les développer par séries et d'organiser un corpus de référence en sous-genres, comme Baudelaire avait entrepris de le faire[xiv]. — Et vainement ai-je feuilleté pendant trois jours et trois nuits, aux blafardes lueurs de la lampe, les livres hermétiques de Raymond Lulle. La première est traditionnelle et constitue une sorte de discours d'accompagnement et de légitimation; elle est tautologique, présupposant la définition du poème par l'unité d'effet (le plus souvent sans référence à Poe) et conférant aux procédés de poétisation de la prose une valeur de compensation ou de substitution; on en trouve une formulation détaillée dans la thèse de Suzanne Bernard. Selon la surface entière d'un petit toit de zinc que le regard surplombe elle ruisselle en nappe très mince, moirée à cause de courants très variés par les imperceptibles ondulations et bosses de la couverture. C'est alors qu'apparaissent les formules tautologiques qui seront souvent reprises par la suite. Certains poètes du XXe siècle, Claudel, Char, Ponge, Michaux, adoptent ce genre. Les troubadours composent des poèmes lyriques et s'accompagnent d'un instrument de musique. Reverdy la conjure en écrivant L'esprit sort: Mais une telle conclusion est trop belle, trop allégorique. Bien au contraire, souligne Larbaud, «dans ces Poèmes la prose —nette et solide et sage […] —la prose a été imposée à l'auteur[xx]». Affichage des publications 0 à 25 1 . [xxviii] Ibid., respectivement p. 85, 205, 140, 138, 93, 45. On lit par exemple dans La Revue blanche au moment où paraît Divagations que «le poème en prose présente ce caractère général que la prose, matière première, y est soumise à des exigences analogues aux poétiques[xvii]»: la formule convient assez bien à la production courante des revues littéraires, du Mercure de France à Vers et prose, et jusqu'aux débuts de la N.R.F.[xviii]. Cette tradition inaugurée au XVIIe siècle se continuera aux XVIIIe et XIXe siècles. Ce que nous lisons, c'est le stoppage par lassitude, sous la pression des éditeurs ou des amis, d'un poème ininterrompu. Il réinvestit par conséquent le travail sur la disposition et la mise en page, dont Bertrand avait montré l'importance, en en faisant l'opérateur même de la réflexion. Notes: Le seul recueil en prose de Baudelaire s'intitule le Spleen de Paris, aussi connu sous le nom de Petits poèmes en prose. Elle modifie très profondément le statut de ces textes et leur environnement générique, les faisant passer du voisinage d'Alphonse Karr ou Paul de Kock à celui de Leconte de Lisle. [xxi] La NRF, août 1912, p. 345-351(citation: p. 348). Apprendre, réciter de la prose. Cette décision peut-être contingente, en tout cas non assumée par l'auteur, a fondé toute la tradition éditoriale jusqu'à Bouillane de Lacoste, et en particulier l'édition du Mercure de France qui fut le livre de chevet de nombre d'écrivains du xxe siècle. « Aube » commence (J’ai embrassé l’aube d’été) et finit (Au réveil il était midi) par un octosyllabe. En forçant le trait, elles se ramènent à deux. CARACTERISTIQUES DU … Sur des tringles, sur les accoudoirs de la fenêtre la pluie court horizontalement tandis que sur la face inférieure des mêmes obstacles elle se suspend en berlingots convexes. Mais le point qui nous concerne est que Ghéon reconstruit une généalogie du genre, par moments successifs reliés par homologie:«Si M. Fargue continue Baudelaire, c'est comme Rimbaud continuait Baudelaire; il ne l'imite point». Peu d’instants après, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux, il affirma sans hésiter : « Il n’est pas encore tout à fait midi. Dans ce cas le statut générique de poème est donné comme une propriété du texte-source réel ou supposé, et le travail se focalise sur les procédés de restitution de schèmes formels liés au vers et aux superstructures métriques (comme le refrain). Les poètes trouvaient le style versifié des poèmes traditionnels trop contraignants. Il faut attendre Graham Robb pour voir apparaître une idée vraiment neuve, sur laquelle je vais revenir. Le poème en prose moderne n’a aucun rapport avec les proses poétiques du XVIIIe siècle. C'est bien une refondation du poème en prose comme genre qui est ainsi revendiquée; la comparaison avec Fargue est éclairante. Dans Divagations — comme déjà dans Pages — il intègre ces poèmes dans un volume de prose, à côté des essais critiques (option différente de celle de Baudelaire et inverse de celle des Illuminations). Les deux traits fondamentaux du poème en prose, à savoir son caractère «second» (le recyclage de formes antérieures) et la divergence de visée entre poésie non versifiée et prose littéraire, permettent de comprendre certains aspects déconcertants de l'histoire du genre. Baudelaire est un poète nourri de romantisme mais malgré tout tourné vers le classicisme entre le Parnasse et le symbolisme. Jusqu’au XIXe siècle, la poésie classique se diffé­rencie nettement de la prose : tout texte poétique est versifié et comporte des rimes. Mais le poème en prose se démarque de la poésie traditionnelle. On le constate d'abord de Baudelaire à Bertrand: au moment même où il institue le genre en reconnaissant le caractère fondateur de Gaspard de la nuit, Baudelaire fait l'aveu d'une déviation par rapport à son «brillant modèle» (déviation d'un tout autre ordre que la transposition de la petite ville ancienne à la métropole moderne): «je m'aperçus […] que je faisais quelque chose (si cela peut s'appeler quelque chose) de singulièrement différent[xi]». [v] Louis Aragon, Chroniques du bel canto [1946], EFR, 1979; Georges Blin, «Introduction aux Petits Poèmes en prose», Le Sadisme de Baudelaire, Corti, 1948. Venons-en à l’histoire du poème en prose. De même dans le Cornet à dés, le genre est un contenant qui permet de réunir les hypo-genres (et de les agiter comme les dés dans le cornet); c'est un cadre qui leur confère une relative homogénéité, en particulier en neutralisant les différences d'échelle (le Roman feuilleton ramené à dix lignes); c'est aussi une «marge spirituelle» (c'est-à-dire abstraite, indépendante des procédés de mise en page: c'est le genre qui fait marge) qui «situe» les matériaux sollicités et transforme leur substance en spectacle. Le terme devient d'usage courant dès les années 1870, après la publication posthume des Petits Poëmes en prose en 1869 par Asselineau et Banville. D’autres sont plus longs. La «cassure» du paragraphe devient le «pli» critique. Plus sur ce poème >> Poème de … Pour moi, si je me penche vers la belle Féline, la si bien nommée, qui est à la fois l’honneur de son sexe, l’orgueil de mon cœur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumière ou dans l’ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l’heure distinctement, toujours la même, une heure vaste, solennelle, grande comme l’espace, sans divisions de minutes ni de secondes, — une heure immobile qui n’est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d’œil. La promotion esthétique du poème en prose est parallèle à celle de la prose narrative chez Flaubert et les Goncourt; on en constate la convergence à de multiples reprises dans les années 1880, chez Huysmans ou dans les Moralités légendaires de Laforgue (sans doute l'héritier le plus proche de l'esprit de Baudelaire). Exemple de poésie en vers : Tristesse, sonnet d'Alfred de Musset J'ai perdu ma force et ma vie… Le double critère du style et de la «situation» définit le poème en prose par sa structure interne et par son effet, comme un objet à la fois clos (ce que confirment les expressions d'«objet construit» et de «bijou») et dépaysant; définition remarquable mais qui convient bien mieux à Reverdy qu'à Max Jacob — comme si ce dernier avait voulu ramener l'œuvre de son cadet sous sa propre visée théorique. Les vers les plus employés sont l’alexandrin*, l’octosyllabe* et le décasyllabe*. Mais au même moment l'histoire recommence. Une brève histoire du poème en prose Objet d'étude : Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours Problématique générale : Qu'est-ce qui distingue la poésie de la prose ? Mais il faut souligner que cette réorientation est fortement accentuée par le choix éditorial de La Vogue (qu'il soit imputable à Kahn ou plus probablement à Fénéon) de rassembler les vers de 1872 et les poèmes en prose sous le titre unique d'Illuminations. Cette évolution correspond à un changement de statut de la forme, qui entraîne une réorganisation des postures énonciatives, de l'éthos du genre et du rapport au lecteur. Qui, séduite, pourrait t' absoudre et te sacrer, O Guerre, Guerre impie, assassin qu'on encense, Je resterai, navrée et dans mon impuissance, Bouche pour te maudire, et cœur pour t' exécrer ! La Vie de prison in Angleterre. La venue au premier plan de Rimbaud autour de 1908, et le glissement vers les Illuminations d'une référence longtemps centrée sur les poèmes en vers, Bateau ivre ou Voyelles, jouent un rôle décisif dans cette redéfinition. Le fait de voir Rabelais et Pascal côte à côte ne laisse pas de surprendre. « L’huître » ou « Le mimosa » de Ponge sont des textes brefs. L’expression « poème en prose » est paradoxale puisqu’elle réunit deux termes qui s’opposent : la prose, écriture libre, et la poésie, qui repose sur les contraintes du vers, des rythmes et des rimes. Ce déplacement d'une portée considérable prépare le «recommencement» global du vers, du poème et du livre dans le Coup de dés. Mon jardin secret ♫ Tu étais merveilleusement belle et racée, une princesse égyptienne descendue des marches d’un palais du Moyen-Orient. Les formes instables, faiblement déterminées ou d'allure paradoxale ont été le casse-tête d'une approche essentialiste des genres, avant de pourvoir en arguments les partisans de leur «hybridation» ou de leur «éclatement» au nom des exigences de l'œuvre moderne. Soit la prose se dispose en poème, par la mise en page et (ou) par des procédés de structuration textuelle qui produisent une sorte de périodicité ou en suggèrent l'analogie. Soit le texte se présente comme prose, avec un découpage régi par des enchaînements logiques (et non par un principe de parallélisme ou de contraste): la poétisation procède en quelque sorte de l'intérieur, selon un principe poétique de concentration des effets que cautionne une symbolique de l'expressivité (l'identification du je au sujet existentiel étant une base indispensable du protocole de lecture). Le poème en prose présente une souvent des associations d’images au lieu d’une histoire. Il suffit de regarder la table du Cornet à dés[xxvi] pour voir se déployer un véritable théâtre générique où les anecdotes de la vie, l'histoire, la mémoire des livres et celle des genres se mêlent en un salmigondis savoureux et irritant, un méli-mélo (c'est un des titres) de littérature universelle. On peut douter que le poème en prose existe, attitude qui serait difficile à envisager pour l'épopée ou la satire. Une prose nombreuse et cadencée. Le poème en prose s'écrit sur le fond d'une mémoire littéraire, dont on peut énumérer les composantes, même si la liste n'est pas close; j'en retiendrai quatre: la description ou ekphrasis (la première pièce du recueil de Bertrand, Harlem); la fable, et plus précisément l'anecdote moralisante (Baudelaire, Un plaisant); l'épigramme (Le galant tireur); la méditation (A une heure du matin). De plus, la prose n'est pas soumise aux règles du poème et elle s'oppose à la versification. [xiv] Voir la liste des «Poëmes à faire», op. Les effets seront longs à s'en faire sentir, mais on peut remarquer que le choix de Mallarmé exerce une influence directe sur ceux de Valéry, chez qui le pli critique se referme sur le poème en prose, pratiqué par intermittence dans les Cahiers mais jamais assumé ni publié comme forme poétique[xvi]. En effet, pour s’en tenir à la tradition écrite et sans tenir compte des formes mixtes relevant du poème en prose, ... Une autre façon de s’orienter dans le massif des formes mixtes mêlant prose et vers est de prendre en compte l’histoire littéraire. La parenté des Poèmes avec les chroniques (reprises dans plusieurs recueils, dont Le Piéton de Paris) atteste de l'ancrage du genre dans les supports périodiques ; poèmes et chroniques entretiennent aussi un rapport obscur mais essentiel avec la parole vivante, cette conversation pour laquelle Fargue disposait de dons exceptionnels. Ce qui chez Fargue procède des Illuminations, c'est la construction du poème par séquences d'images qui tiennent lieu de logique narrative ou descriptive. Les textes de Reverdy sont très brefs, souvent proches du format des Nouvelles en trois lignes de Fénéon: ils se présentent sur la page comme un bloc compact entouré de blanc. Chacune de ses formes a une allure particulière : il y répond un bruit particulier. Rien encore ! Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s’aperçut qu’il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était. Il poursuit le projet d'évocation des «villes énormes», et nombre de poèmes s'éclairent par le dialogue avec un intertexte baudelairien. cit., t.II, p. 200. Qu'il soit rimé ou non, le vers donne le rythme du poème. Mais c'est un choix significatif: il installe l'œuvre à un point neutre, où tous les genres et les formes existent comme compossibles sans qu'aucun soit revendiqué. [xii] Il s'agit de L'Orgue de Barbarie et de La Tête qui parurent en juillet 1864 dans La Semaine de Cusset et de Vichy. Texte 1 : Aloysius Bertrand, "L'alchimiste". Or, la notion de " poésie en prose " apparaît dès les débuts de l'âge classique, où elle concerne aussi bien les domaines tragique et épique que celui du grand lyrisme officiel. Certains poèmes en prose, comme Les Grandes Compagnies, sont écrits en marge d'un roman historique à la manière de Scott ou Nodier dont ne subsistent que quelques vestiges métonymiques, tous les éléments préconstruits étant précipités dans l'implicite: plutôt que des «osmazômes», ce sont des fantômes de romans. ». Il oscille entre 2 styles : la poésie engagée au cours des guerres de religions avec ses œuvres Les Hymnes etLes Discours et la poésie lyrique, avec les recueils Les Odes etDes Amours. Poème en prose, voir Poème. Un second type de compétence concerne la manière dont le genre s'inscrit dans les pratiques littéraires. De Baudelaire à Mallarmé, en revanche, la filiation est indiscutable: les textes sont presque contemporains (1864-65), et les deux premiers parus portent une dédicace «à Charles Baudelaire[xii]». Dans la fameuse querelle des Anciens et des Modernes, ces derniers prennent le parti de Télémaque qui est proclamé un poème. Il associe étroitement le travail de restructuration du vers métrique et l'invention de formes non métriques, faisant apparaître l'émergence du vers libre comme une résultante de ce rapport, forme intermédiaire ou espace de transition. 1988). Cependant l'attestation historique du genre en tant que catégorie hypertextuelle ne fait aucun doute. Toutefois, la prose poétique restait de la prose, un moyen supplémentaire pour le romancier, une marque de son style, sans constituer une véritable forme de poème. Ballade de la geole de Reading. Prenons l'exemple de Bertrand: dans Gaspard de la Nuit le projet de «poésie non versifiée» est nettement dominant; il définit la perspective générique d'ensemble et détermine son inscription dans une histoire globale des formes. Rejoignez le site littéraire « De plume en plume » pour lire et commenter ses écrits. Tantôt elle attache un pétard à un poil de ma barbe, tantôt elle me décoche de son arbalète un trait de feu dans mon manteau. Après le moment équivoque des Déserts de l'amour — où le format du poème en prose est adapté à une sorte de micro-roman — les Illuminations optent nettement pour la poésie non versifiée, le statut poétique du sujet et du texte qu'il produit étant assumé dans sa pleine dimension mythique ou sacrale (il suffit de comparer Génie à Perte d'auréole pour comprendre la puissance de cette requalification). Le tout vit avec intensité comme un mécanisme compliqué, aussi précis que hasardeux, comme une horlogerie dont le ressort est la pesanteur d'une masse donnée de vapeur en précipitation. Surtout il fait jouer de plusieurs manières la relation constitutive entre hypo-texte et poème. C'est le cas de Baudelaire: des textes que leur structure propre situe assez loin, voire dans un autre cadre générique (comme Une mort héroïque, qui est un tale à la manière de Poe) se trouvent rangés sous un modèle typique, et la lecture tend à les rapprocher; le même phénomène joue a contrario dans le cas de morceaux restés hors du cadre, en particulier dans les journaux intimes. Dans le même temps, les poèmes narratifs contiennent également des éléments poétiques qui les distinguent des récits en prose. C’est que l’histoire du poème en prose est celle de la lutte de l’univers « prosaïque » contre l’univers « poétique ». Texte 2 : Charles Baudelaire, " Le vieux saltimbanque". ». Ici elles semblent de la grosseur d'un grain de blé, là d'un pois, ailleurs presque d'une bille. C'est dans cette perspective que s'inscrivent les transpositions et (pseudo-)traductions si nombreuses de la Chanson d'Atala au Livre de jade de Judith Gautier. Petite histoire du poème en prose. [xxv] Les Poèmes en prose ont été repris par Reverdy dans Plupart du temps (1945), Gallimard Poésie, 1969, t.I, p. 46. Expr. La compétence qui lui correspond consiste donc d'abord en une mémoire générique relativement diversifiée, qui conditionne non la perception de l'hypo-texte en tant que tel mais l'activation de ses ressources topiques et de ses schèmes herméneutiques. La disparition du tiret, en mettant à distance l'expression toute faite (et son usage journalistique), invite à une ressaisie conceptuelle plus abstraite. La gestation a été interminable: les avant-textes[xix] montrent que le poème n'est pas un objet fermé, mais un assemblage de moments d'évocation que le travail préparatoire fait circuler d'un texte à l'autre, procédant par reprises et collages. Non, rien, si ce n’est, avec le sifflement de la cornue étincelante, les rires moqueurs d’une salamandre qui se fait un jeu de troubler mes méditations. Fargue n'entend pas s'approprier le genre du poème en prose. Je ne m'étendrai pas ici sur leur querelle, ni sur le rôle qu'y joue la référence à Rimbaud, défendu par le premier contre le second malgré des réserves explicites; à ces questions Etienne-Alain Hubert a consacré un article définitif[xxiii]. Mais une part du texte, comme le montrent les documents de genèse, procède d'un travail sur la prose narrative, qui opère non par composition de micro-éléments articulés mais par déconstruction et si l'on peut dire blanchiment de séquences de récit. Le poème en prose s'inscrit ainsi dans un double horizon d'attente; il sollicite une double compétence générique. Bertrand. Les «Instructions à M. le Metteur en pages», destinées par Bertrand à son éditeur, ont été publiées en 1925 dans l'édition de Bernard Guégan (Payot). Pour qui raisonne dans une perspective conditionnaliste sur les usages et les savoirs, en revanche, l'exemplarité de ces formes est évidente. DEUXIEME PARTIE : Ils sont tous construits selon une progression comparable. » Ce qui était vrai. [viii] Graham Robb, «Les origines journalistiques de la prose poétique de Baudelaire», Les Lettres romanes, XIV, 1990, p. 15-25. Au niveau du texte comme unité, la relation est disjonctive. Libre à vous de coller ou non à des formats connus tels que le sonnet (deux quatrains et deux tercets) par exemple. Le poème en prose n’est ni versifié ni rimé. L'histoire du poème en prose nous offre donc des répétitions statistiquement probantes sur une échelle de temps réduite. Le vers libre et le Coup de dés ont donné lieu à deux ouvrages; je reprends ici dans une perspective plus large la question du poème en prose, que j'avais abordée à propos de Rimbaud[ii]. [xxiv] Mallarmé, Œuvres complètes, éd. De même, dira bientôt Reverdy en complétant la lignée, Baudelaire avait continué Bertrand en «réalisant un genre différent[xxii]». Ghéon qualifie le poème en prose de «forme naturelle, forme nécessaire de l'illumination poétique», «noué profondément à la plus obscure substance» du poète, «sur le bord de l'inconscient». Informations sur La Jeune Parque : et poèmes en prose (9782070317929) de Paul Valéry et sur le rayon Littérature, La Procure. Ce mouvement esthétique européen fait une place toute particulière au lyrismeet à l’effusion du moi avec un goût marqué pour la mélancolie : les poètes vont donc exprimer leur mal de vivre et leurs souffrances affectives en méditant sur la mort, sur Dieu, sur l’amour et la fuite du temps, s… Ces phénomènes sont assez rares mais on trouve souvent des phrases longues et construites sur les rythmes ternaires ou sur des effets de reprise. Suzanne Bernard, dans sa thèse Le Poème en prose de Baudelaire jusqu'à nos jours (Nizet, 1959) propose les critères suivants : « Il s'agit d'un texte en prose bref, formant une unité et caractérisé par sa « gratuité », c'est-à-dire ne visant pas à raconter une histoire ni à transmettre une information, mais recherchant un effet poétique ». La guerre un poème de Louise Ackermann. D'autre part le principe de poéticité est lui aussi exhibé dans une perspective que l'on pourrait dire jakobsonienne avant la lettre, en tant que retour du langage sur lui-même, par un usage acrobatique et parfois génératif du signifiant — qu'il faudrait comparer à l'usage de ses contemporains: Apollinaire, Roussel, Duchamp. La ponctuation, les répétitions et l’organisation syntaxique concourent à la création d’un rythme original qui donne au poème en prose une musi­calité et une harmonie particulières. Il conduit à l'élaboration de dispositifs tel que les espacements et le découpage en paragraphes, dont les incidences sur la syntaxe et l'organisation des schémas narratifs sont faciles à mettre en évidence. Pour Mallarmé c'est une notion tôt constituée, qu'il fera correspondre à une strate ancienne de son œuvre (celle de La Pipe ou de Pauvre enfant pâle) et s'efforcera de réorganiser sur d'autres bases (le «poème critique»). Or, ce nouveau genre de poème en prose qui apparaît au XIXème siècle va fusionner les deux genres. Suzanne Bernard, dans sa thèse Le Poème en prose de Baudelaire jusqu’à nos jours (Nizet, 1959) propose les critères suivants : « Il s’agit d’un texte en prose bref, formant une unité et caractérisé par sa « gratuité », c’est-à-dire ne visant pas à raconter une histoire ni à transmettre une information, mais recherchant un effet poétique ». Selon eux, ceux-ci ne leur permettaient pas dexprimer leurs créativités. Il me semble possible de proposer pour la phase de constitution du genre (en gros: 1830-1880) un modèle pragmatique plus complexe (quoique schématisant les données disponibles, et écrasant quelque peu les processus de genèse). The Ballad of Reading Goal. A peu de distance des murs de droite et de gauche tombent avec plus de bruit des gouttes plus lourdes, individuées. Une histoire du poème en prose, par Michel Murat, Cet article a paru dans Le Savoir des genres, sous la direction de Marielle Macé et Raphaël Baroni, Presses Universitaires de Rennes, « La Licorne », 2007. de la Pléiade, t. I, 1998, p. 1327. La sonnerie au sol des filets verticaux, le glou-glou des gouttières, les minuscules coups de gong se multiplient et résonnent à la fois en un concert sans monotonie, non sans délicatesse. Le processus d'ancrage générique ne s'arrête pas pour autant, et il est favorisé par l'effervescence formelle et théorique du symbolisme. Ce qui doit nous étonner, c'est plutôt que de telles fondations aient été oubliées au point qu'après 1945 Aragon, parlant de Reverdy dans les Chroniques du bel canto, ou Georges Blin à propos de Baudelaire[v], aient eu le sentiment d'un commencement absolu: comme si la mémoire du genre ne parvenait pas à se fixer, ou qu'on lui en contestât le droit. Comme une sorte de Janus, le poème en prose s'inscrit dans deux perspectives génériques distinctes, contemporaines mais non synchrones, compatibles entre elles mais nettement divergentes. Sa vie amou… Ce ne sont en effet ni les rimes ni la longueur des vers qui créent l’impression de dépouillement , de fluidité , mais le rythme intérieur de chaque phrase : Baudelaire mêle de fréquentes répétitions, des énumérations, des parallélismes, des oppositions qui scandent le poème. Y vois-tu l’heure, mortel prodigue et fainéant ? Dans un poème en prose, la musicalité repose non sur la métrique, sur la rime ou le découpage en vers, mais sur l'organisation syntaxique et les effets de rythme qui en découlent. Fiche sur le vers libre et le poème en prose, Fiche sur la poésie: versification et poème en prose, Analyse du poème en prose "Le vieux Saltimbanque" de Charles Baudelaire, Écriture poétique et quête du sens du Moyen Âge au XXe siècle, Inscrivez-vous à la newsletter Interlettre et soyez informé des dernières publications du site. Mais avec le Romantisme apparaît une exigence de liberté, qui donne naissance à un genre tout à fait nouveau.
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